« Elle est belle dans son habit rouge. Elle avance, digne et fière. Son visage reflète sa douceur, sa candeur et sa mélancolie. Elle s’abaisse lentement, caresse délicatement la tête d’un nourrisson. Une larme salée glisse sur sa joue de porcelaine. La belle se relève, tourne les talons et disparait. Pour ne plus jamais réapparaître. »

C’était ta mère, tu ne t’en souviens sûrement pas, tu étais si jeune à l’époque. Si elle était belle ? Oh elle l’était : magnifique. Une beauté presque irréelle et une gentillesse infinie. Elle t’aimait énormément. Je sais ce que tu vas me dire : une mère est censée aimer ses enfants. Mais, tu es vraiment devenue son rayon de soleil.

Il arrive parfois qu’un enfant n’ait pas la chance de connaître ses parents. La raison la plus répandue, en général, c’est la mort. Rares sont les parents qui disparaissent sans laisser de trace. Pourtant ce fut mon cas. J’avais déjà perdu le père parce qu’il était lâche, alors savoir que sa mère s’est évaporée… Ce n’est pas facile. Quelquefois je me demande si elle n’a pas eu peur, elle aussi. Peut-être avait-elle préféré fuir cette situation, cette merde. Mais à chaque fois ma grand-mère me rassure. Du coup j’imagine d’autres scénarios. Un sacrifice, pour me sauver. Un complot monstrueux, caché aux yeux de tous. Une aventure trépidante. Mais au fond ça ne doit pas être si compliqué, n’est-ce pas ?

Je relève les yeux, affronte le reflet que m’offre ce miroir. Je soupire un instant, retire violemment une photographie coincée dans le coin de la glace. Je m’apprête à la jeter, la brûler. Mais quelque chose m’en empêche. L’amour. Encore un sentiment contradictoire. Comment peut-on aimer, respecter une personne qui n’est plus là ? Ou encore qu’on n’a jamais vu, jamais entendu ? Oh bien sûr on m’a plus d’une fois parlé d’elle, de son sourire, de sa gentillesse. J’ai eu le droit au typique « tu lui ressembles tellement » et j’y ai survécu. Mais parfois c’est trop, alors j’ai envie de tout plaquer, tout abandonner. Comme lui, comme elle, comme eux.

Mais je ne peux pas infliger aux autres ce que j’ai détesté qu’on m’inflige. Alors chaque matin je rassemble tout mon courage, toute ma fierté et je descends ces fichus escaliers pour aller saluer ma grand-mère. Et avec le sourire, s’il vous plait. Puis franchement… Comment pourrais-je la laisser après tout ce qu’elle a fait pour moi ? Je l’aime comme une mère parce qu’elle l’a été pour moi. Ce lien, puissant et fort, ne s’oublie pas aussi facilement. Au contraire, on le renforce. On veille à rendre fière ceux qu’on aime. On étudie toujours plus ardemment. On réussit ses études. On entre à Sainte Mangouste comme interne pour nous mais surtout pour eux.

Parce que Poudlard n’était peut-être pas la meilleure période de ma vie. Je n’étais pas vraiment sociable. Mes amis je pouvais les compter sur les doigts d’une main, deux doigts en fait. Je crois qu’avoir été répartie chez Serpentard a été m’a plus grosse erreur. Les personnes de cette maison sont différentes. Remarquez bien que je ne dis pas « nous sommes différents ». Ce serait un mensonge. Je n’ai pas de plaisir à torturer les gens, à mentir, à espionner. Eux ils en ont. Dans ce genre de situation on ferme nos gueules, on s’écrase et on disparaît. Je l’ai fait avec brio quelques années. Mais, parfois, il est difficile de cacher son… Intelligence. Je brillais dans la plus part des matières. Les gens sont attirés par tout ce qui brille. C’est idiot de dire ça mais… On dirait une secte, je crois qu’ils essayaient de me… « Recruter » ? Et de changer mes opinions, mes amis, mes seuls amis. A l’époque j’étais proche d’un garçon « de sang impur » comme ils aimaient le dire. Puis tout est devenu plus compliqué… La secte, le petit-ami devenu frère… Un désastre dans une vie si banale.

L’exil est devenu alors ma seule solution. C’est sans doute la seule chose que j’ai demandé à ma grand-mère… Demandé, supplié conviendrait mieux. Ce jour-là, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps : de peur, de frustration, de mélancolie… Mais surtout de nostalgie. Elle n’a pas eu d’autres choix que d’accepter ma requête. Nous nous sommes envolées vers Durmstrang. Les choses n’ont pas forcément été meilleures là-bas. Mais au moins je me sentais en paix. Puis l’année s’est terminée et nous sommes revenues en Angleterre plus sereines.

Je suis entrée à Sainte Mangouste, je me suis spécialisée dans les blessures dites « dangereuses » et j’ai continué à vivre.