I
l était une fois, dans un splendide château nommé Poudlard, deux jeunes sorciers au sang pur que leurs parents décidèrent de fiancer. Aucun des deux ne se connaissaient, mais dès l’instant où leurs yeux se croisèrent, ils tombèrent follement amoureux l’un de l’autre. Ils se marièrent…eurent beaucoup d’enfants et…STOP ! Non, sérieusement…Vous y avez cru ?!
Revenons sur terre, s’il vous plait ! L’histoire ne commence ni par un « Il était une fois », et ne finit pas par un « ils eurent beaucoup d’enfants et furent heureux pour l’éternité ». Vous vous croyez où ? Dans un conte de fées ?! Allo !…Merci de descendre du pays où la vie est rose, où les histoires dégoulinent de romantisme. Celle-ci commence plutôt par un « Je vais te tuer ! » et quant à la fin…l’ignorance ne fait pas de mal.
Tout commence en réalité avec cette phrase-là « Gaël, je te présente ton fiancé, Raphael Leroy ». Il aurait pu s’appeler Pierre, Paul, ou Jacques que Gaël aurait eu la même réaction. Paralysée devant l’individu, son oncle à ses côtés et son futur beau-père devant, la jeune sorcière ne s’était pas forcée à sourire, ou à feindre l’indifférence. Non. Tout cela aurait été bien trop diplomatique. Ce fut un joyeux « JAMAIS ! » qui accueillit l’annonce des fiançailles. Mais ça n’aurait pas été aussi théâtral si Gaël n’était pas montée dans sa chambre en claquant des talons, puis la porte. On lui somma de sortir plusieurs fois, d’être polie, et bien élevée mais rien à faire : son oncle du lancer de nombreux sorts contre la porte de sa chambre pour l’en faire sortir en la tirant par les cheveux. Pas la peine de demander à Raphael ce qu’il en pensa : « Quelle plaie cette fille ! ». Rien à faire pourtant pour négocier : l’oncle de Gaël et le père de Raphael s’étaient mis d’accord, et faisait affaires ensemble de surcroit. Le mariage aurait lieu durant le mois d’août 1978. L’année prochaine, ils seraient mariés. Durant un mois entier, Gaël tenta de faire changer d’avis son oncle, elle présenta tous les arguments qui puissent exister, mais rien n’y fit. La décision était prise : elle serait mariée à ce Leroy. Leroy…rien que le nom lui donnait envie de vomir ! Et dire qu’elle serait mariée au cousin d’Adonis. Son cousin ! Ses enfants auraient le même sang que ce …truc ! Ce n’était pas tant le fait qu’il soit de la famille de Adonis, ou même qu’on lui imposât ce mariage, mais surtout car Gaël espérait bel et bien le retour de Rabastan. Son dernier petit-ami, qu’elle considérait encore comme tel, avait été envoyé à Azkaban quelques temps avant l’annonce des fiançailles. Il n’était pas question qu’elle le trahisse ! Pas question non plus qu’elle fasse sa vie avec un autre homme, elle aimait bien trop Rabastan pour tomber sous le charme de ce …Leroy.
S’il n’y avait pas eu Rabastan, Gaël aurait sans doute pris les choses différemment, même si Raphael restait le cousin d’Adonis. Mais la situation était encore trop douloureuse pour la jeune femme : on lui avait à peine enlevé Rabastan, que déjà on lui mettait un Leroy dans les pattes ! Ah ! « Hors de question ! En plus, un français ! »
Malgré ses efforts, la sorcière n’obtint rien de la part de son oncle : pas de porte de sortie, de deuxième choix. Ce serait ainsi et pas autrement. « Tu t’y plieras, que tu le veuilles ou non ! » lui avait-on dit.
Et bien soit ! Gaël ne chercha pas longtemps une solution, car elle était déjà là ! Si on ne voulait pas la débarrasser de son encombrant fiancé, ce serait elle qui le ferait. Empoisonnement, ou accident : qu’importe. Elle le ferait disparaître de sa vie, avant que l’heure du mariage n’ait sonné.
Quant à Raphael, la colère lui était monté à la tête en voyant qui serait sa future femme. Il se serait volontiers plié à l’exigence de son père, mais hélas pour lui sa fiancée était la parfaite représentation des femmes qu’il détestait plus que tout. Une beauté empoisonnée, à l’état pur ! Arrogante, vaniteuse et belle. Trop belle : Raphael devait l’admettre, si elle n’était pas aussi détestable, il aurait été plus que ravit d’être son futur époux. Il du se résoudre à détester ce qui lui faisait tant envie. Une bouffée de haine l’envahissait à chaque fois qu’il entendait ce nom, à chaque fois qu’il pensait à elle. Il avait une envie irrépressible de lui faire du mal, de faire disparaître cet air de princesse pourrie gâtée, cette allure superficielle, et cette façon tout à fait détestable de regarder les gens ! Non, c’était décidé : il lui ferait du mal avant qu’elle ne lui en fasse, et il la ferait fuir, pleurer, gémir de douleur ! Ce mariage n’aurait pas lieu !
**
Néanmoins, malgré leur haine mutuelle, et leur désir d’annuler ces fiançailles, les deux sorciers commencèrent à force de disputes et de confrontations à mieux se connaître. Oh, rien ne changeait : ils se détestaient toujours autant, ne pouvaient pas s’empêcher de se faire souffrir mutuellement par tous les moyens possibles et imaginables. Inconsciemment, quelque chose naissait, et s’insinuait doucement dans les paroles, dans les gestes, dans les regards… la haine, le désir, et quelque chose derrière, de plus implicite, de presque invisible.
« Quelle pimbêche ! Quelle poupée fardée de peinture aussi tentante qu’une pomme d’amour : si rouge, brillante, et délicieuse ! Rien que ces lèvres recouvertes de rouge donnent envie de la dévorer, si l’attention n’était pas encore plus prise par le bleu profond de ses yeux, la peau laiteuse et la chevelure sombre qu’elle arbore si fièrement comme des objets dans une vitrine ! Trop chers les objets : il y a toujours un prix à payer avec ce genre de créatures ! Si tu la voyais Mère, elle est pourrie jusqu’à la moelle ! Je ne veux pas d’elle pour femme, amie, alliée, peu importe ! Je ne la veux ni de près ni de loin. Père changera d’avis, j’en suis certain. Il remarquera bien comment elle est, si mal élevée ! »
Il écrivait à sa mère très souvent, moins qu’à son père s’était sûr. Et dans chacune de ses lettres, Raphael décrivait ô combien Gaël était horrible et détestable. Un soir lors des vacances, il se trouvait auprès du feu, les genoux repliés vers son corps, le regard dans les flammes, en train de raconter comme la sorcière lui faisait la vie dure, et comme lui il se vengeait bien ; sa mère était assise dans un fauteuil, non loin, et regardait avec admiration les œuvres de son fils dans le carnet à dessin qu’il avait toujours sur lui.
« …Je ne la supportes plus ! Vivement que Père rentre de son voyage d’affaire. Nous devons vraiment parler de ce stupide mariage qui ne se fera pas…S’il croit que je vais me marier avec cette immonde sorcière ! Elle est mauvaise dans tout ce qu’elle fait, elle ne sait pas s’arrêter la capricieuse ! Rien que penser que je vais me retrouver enchainé avec elle toute la vie…mieux vaut s’immoler par le feu : ce serait moins pire ! dit-il
- Est-elle si diabolique ? ria Sophie-Anne, en secouant la tête.
- Tu n’imagines pas ! » rétorqua-t-il.
- Comment le sais-tu ? »
- Je le sais ! Elle le prouve à chaque instant.
- Comment ?
- Va savoir ! Elle a un don pour être méchante, elle cherche tes faiblesses, et elle les utilise contre toi pour t’achever comme un chien. Elle veut ma peau : mais je sais comment elle est, je briserai chacun de ses plans. Un par un !
- Pauvre fille…son père est mort quand elle avait douze ans, et sa mère…il y a deux mois environ. Elle ne sait sûrement pas comment faire son deuil.
- Hm…elle n’a pas de cœur. Je ne l’imagine pas triste.
- Tu n’en sais rien mon fils.
- C’est facile à savoir ! Tu ne l’a pas vu : je te pardonne de lui trouver des excuses.
- Tu ne sais pas ce qu’il se passe chez elle Valentin – il grimaça à cette appellation - . Toi aussi tu es arrogant : ton père est pareil. Vous croyez toujours avoir raison sur tout. Tu n’as pas hérité cela de moi : mais je reconnais que ta fougue est de moi. Ce sera ta future femme, donne-lui une chance. Elle ne peut pas être si terrible. Trouve la faille toi aussi.
- Elle n’en a pas ! Il faudrait qu’elle soit humaine pour ça. Je refuse de reconnaître qu’elle ait un cœur qui fonctionne, elle est trop froide pour ça.
- Cherche ; si tu trouves une faiblesse chez elle, alors tu seras bien obligée de reconnaître qu’elle est humaine. Je suis sûr qu’elle n’est pas si terrible que ça….
- Marché conclu, mais…je te préviens : cette fille n’est rien d’autre qu’un robot , Adonis lui-même le dit . Si tu savais ce qu’elle lui a fait. Tu ne la défendrais pas.
- Je ne la défends pas.
- Si, tu es trop gentille.
- Non. Je veux dire : pour que tu la dessines autant de fois…elle ne doit pas être si mauvaise que ce que tu dis. Non ? »
Raphael se tourna cette-ci vers sa mère. Celle-ci tenait les dessins qu’il avait cachés à la fin de son carnet : tous représentaient la même personne, avec des détails si précis qu’on aurait pu confondre avec une photo. Raphael demeura immobile, et ne dit rien. Il reporta son attention vers la cheminée, sans répondre à sa mère qui sourit, victorieuse d’avoir deviné ce que son fils ne disait pas. Les yeux dans le vague, Raphael tentait d’oublier cette obsession qui l’habitait depuis plusieurs mois : dessiner Gaël. S’en était devenu une drogue, et maintenant qu’il avait commencé, il ne pouvait plus s’arrêter. Il la détestait tellement. Comment pouvait-on détester quelqu’un avec tant de force, et être incapable de ne pas y penser jour et nuit ? Pourtant il résistait, il la faisait souffrir, il ruinait chacun de ses plans, il la mettait dans des colères noires, mais rien n’y faisait.
*
Gaël enleva sa veste avec dégoût et la jeta à l’autre bout de la pièce. Elle était entrée en claquant la porte dans sa chambre, suite à une autre conversation avec son oncle qui avait mal tournée. Les joues rouges, les yeux dilatés par la colère et la tristesse, la jeune fille envoya balader ses chaussures par terre, enleva sa robe en faisant descendre la fermeture éclair de derrière, et vint se jeter sur l’amoncèlement de coussins qui se trouvaient sur un tapis devant une cheminée allumée. Allonge sur le dos, des larmes vinrent perler sur les joues de la jeune sorcière. Elle voulait que Rabastan revienne, que rien ne change de ce qu’ils avaient construit ensemble, elle voulait recommencer leurs disputes, revenir dans ses bras, l’entendre à nouveau : il lui manquait tant. Et elle se sentait tellement coupable. Coupable d’être fiancée, et de ne pas arriver à se débarrasser de Raphael. Elle avait tout essayé : il déjouait ses plans à chaque fois, sans relâche. Et cette façon qu’il avait de la haïr, de la détester avec tant de fougue et de dégoût : il était étrange de constater que l’effet n’était pas celui escompté. Gaël peinait à résister à cette haine vorace, à ce désir flambant, à ce besoin constant de le détester comme si c’était une chose vitale pour elle. Il était beau, attirant, intelligent, et justement trop rusé pour se laisser prendre à ses pièges. Elle n’arrivait pas à s’en débarrasser : qu’elle faible elle était ! Elle ne se pardonnait pas d’échouer ainsi à chaque fois : mais pourtant…elle pouvait se résoudre à l’idée de gagner. Ce mariage était stupide, oui. Raphael Leroy n’était pas le meilleur parti pour elle. Elle ne voulait pas l’aimer, le désirer, elle voulait juste qu’il disparaisse. Drôle de paradoxe : Gaël était devenu accro à cette haine qui semblait se transformer en quelque chose que la jeune sorcière n’aimait guère…