« Est ce qu'on est vraiment obligé de venir ici ? »La fillette aux longs cheveux d'un blond éclatant venait de chuchoter cela à l'homme qui la guidait par la main tout en lui adressant un regard inquisiteur. On percevait facilement une méfiance craintive au fond de sa voix fluette. L'homme lui adressa un sourire résigné et compréhensif, sans cesser d'avancer le long du grand hall d'entrée. Il semblait très mal à l'aise et ne cessait de regarder en tous sens en adressant un sourire gêné aux gens qu'il croisait.
« Papa, elle...elle me fait peur... » avoua l'enfant à demi-mot
Tom McBrien, car tel était son nom, marqua un temps d'arrêt. Jamais il n'avait entendu sa petite fille avouer sa peur. Du haut de ses sept ans, malgré son apparence fragile et la peur qu'on lisait parfois aux fond de ses yeux noisettes, elle avait toujours tu ses sentiments profonds face au drame qui les avait détruits et marqués au fer rouge à jamais. Tom ne pouvait ignorer plus longtemps la détresse de sa fille, il s'agenouilla face à elle et la fixa tendrement dans les yeux.
« Je sais que c'est dur Dana chérie. Mais elle a demandé à te voir, elle te réclame. Et les médecins pensent que c'est un signe encourageant. »« Excusez-moi, vous avez besoin d'aide ? » demanda une voix dans leur dos. La petite famille se retourna et vit alors une belle jeune femme aux cheveux courts et au sourire bienveillant qui se tenait derrière eux.
« Pour utiliser le terme de médecin, vous devez certainement être des Moldus. Sachez qu'ici il n'y a que des guérisseurs. Nous accueillons rarement des Moldus dans notre hôpital, mais nous pouvons comprendre que venir ici puisse être déstabilisant. Vous venez rendre visite à quelqu'un ? » Tom ne put s'empêcher de fixer la demoiselle étrangement. Décidément, il ne s'habituerait jamais à ces termes étranges qu'employaient les sorciers.
« Oui, je viens voir mon épouse, Katharine McBrien. Internée au quatrième étage je crois. »La guérisseuse posa instinctivement les yeux sur la petite Dana et masqua sa gêne du mieux qu'elle put. Elle se proposa de guider Tom et sa fille sans cesser de sourire, malgré la tristesse et la colère qui serraient à présent son cœur.
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En atteignant l'entrée de la chambre, Dana s'arrêta et porta la main à son bras droit. Sous ses doigts, elle sentait une fine cicatrice blanche de cinq centimètres à peine, vestige de ces années de crainte qui n'étaient pas si lointaines. Depuis un an, elle faisait son possible pour essayer de tout oublier, mais soudainement tous ses souvenirs semblaient vouloir revenir plus forts encore. Elle sentit son père la pousser très légèrement, et elle pénétra alors dans la salle. Son regard se posa alors sur le lit blanc et sur la personne au teint blafard et aux yeux hagards qui la fixait avec un sourire de démente. Ce visage était tel qu'il était la dernière fois qu'elle l'avait vu. Il était difficile de voir un quelconque lien de parenté entre l'enfant et la femme qui se tenait allongée, et pourtant.
Dana Lya est née de l'union d'un modeste opticien écossais et de Katharine Miles, autrefois une sorcière brillante, dont les défauts étaient aussi importants que son intelligence. Vaniteuse, impulsive et colérique, sa rencontre avec son futur époux provoqua pourtant en elle une profonde métamorphose. Décidée à lui cacher la vérité sur ses pouvoirs par crainte de le perdre, elle dévoila néanmoins ses origines secrètes à la naissance de sa fille. Dès lors, son caractère indomptable revint au galop et prit même une grande ampleur. Fascinée par sa petite fille et persuadée qu'elle ferait d'elle une grande sorcière, elle commença alors à éprouver du dégoût pour l'être imparfait qu'était son mari. Sa vanité devint mégalomanie, sa colère devint haine et son impulsivité devint folie. Odieuse, elle n'hésitait pas à humilier son mari impuissant sous les yeux d'une enfant effrayée. Et malgré tout l'amour que Katharine portait à sa fille, cet amour aveugle et dévastateur, il lui arrivait tout de même de lever violemment la main sur elle, notamment lorsqu'elle peinait à comprendre un sort simple.
Toutes ces années de crainte revinrent en mémoire de Dana dont les cheveux virèrent étonnamment au vert pâle. Lorsqu'elle remarqua cela Katharine éclata d'un grand rire qui fit sursauter la fillette.
« Ma Dana ! Tu as une telle maîtrise de ton pouvoir à ton âge ! Je le sentais, depuis ta venue au monde ! Je savais que tu deviendrais une puissante sorcière. Ton idiot de père ne pourra jamais s'opposer au destin qui est le tien ! »Dana se resserra instinctivement près de son père sans quitter des yeux le lien magique qui maintenait sa mère solidement attachée à son lit. Cela faisait un an qu'elle était enfermée ici, depuis la terrible soirée qui avait définitivement détruit cette famille. Le soir où Katharine McBrien perdit le peu de raison qui lui restait après avoir inhalé la potion qui devait tuer son Moldu de mari. Malgré sa grande intelligence, elle avait surdosé la potion qui causa alors sur son cerveau des dommages irréversibles. Dana se souvient de certaines bribes de conversation que les guérisseurs avaient échangé quand sa mère venait d'être admise. "Troubles schizophrènes et délires psychotiques...trop dangereuse pour l'hôpital Moldu...isolée dans une chambre avant son jugement...". Dana n'avait alors rien compris, tout ce qu'elle savait c'est que sa mère était folle et elle espérait ne jamais devenir comme elle.
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« Les premières années ! Par ici ! »La fillette de onze ans eut un petit sursaut en apercevant l'homme immense et robuste qui se dressait devant elle et qui agitait les bras en tous sens. Elle se hâta de le suivre jusqu'aux rives d'un lac si sombre qu'il était impossible d'apercevoir le fond et qui rendait la nuit encore plus noire qu'elle ne l'était. Les yeux pétillants et un sourire euphorique aux lèvres, Dana ne quittait pas le magnifique spectacle qui s'offrait à ses yeux. Elle se trouvait dans une immense vallée entourée par des pics escarpés qui se détachaient de l'horizon. Et, de l'autre côté du lac, se dressait ce qui retenait l'attention complète de l'enfant, ce majestueux château aux hautes tours qui, à sa simple vue, pouvait rendre silencieux d'admiration le plus grand des bavards. Les élèves qui se trouvaient avec elle montèrent alors dans de petites barques et se dirigèrent vers le château.
C'était la première fois que Dana assistait à un tel spectacle, c'était même la première fois qu'elle se trouvait en compagnie d'autant de gens identiques à elle. Dana avait beau être une Sang-Mêlé, le monde de la magie lui était pourtant presque inconnu. Son père s'était remarié avec une Moldue, une femme charmante qui avait très vite accepté la particularité de Dana et qui l'avait élevée comme sa propre fille. La petite famille avait déménagé dans une petite maison près d'Édimbourg, voilà trois ans de cela et s'est vue agrandie d'un nouveau membre il y a seulement un an. D'ailleurs, son petit frère Nolan serait certainement la personne qui lui manquerait le plus. Mais, depuis son unique visite à Ste-Mangouste, voilà déjà quatre ans, Dana n'avait jamais revu sa mère et ne le voulait pas. Katharine avait été jugée "psychologiquement instable" et avait donc échappé de peu à Azkaban pour la tentative d'empoisonnement envers son mari. Néanmoins, elle devait rester enfermée à l'hôpital des sorciers, puisqu'elle est trop dangereuse pour être emmenée chez les Moldus et trop diminuée pour reprendre une vie normale. Dana avait appris à vivre sans elle et ressentait désormais une haine viscérale pour sa mère ainsi qu'une peur panique à l'idée de se retrouver face à elle.
Les élèves de première année arrivèrent alors dans un grand hall dans lequel ils furent accueillis par une femme d'un certain âge au regard perçant et aux traits durs. Elle fixa Dana avec un air surpris et quelque peu pincé. La fillette lui adressa alors un sourire gêné en passant une main dans ses cheveux bleu électrique qu'elle avait choisi de couper à la garçonne. Elle comprit alors qu'elle devrait peut-être opter pour un style plus passe-partout pour sa première rentrée à Poudlard. Sa chevelure poussa alors de plusieurs centimètres et prit une jolie teinte chocolat. Des murmures de surprises s'élevèrent des rangs. Des murmures qui prirent fin dès que la vieille femme haussa le ton. Cette dernière guida alors les élèves dans la Grande Salle afin de commencer la traditionnelle Cérémonie de Répartition. Dana se souvenait brièvement de ce que sa mère avait pu lui raconter lorsqu'elle était enfant, mais sa surprise fut grande lorsqu'elle aperçut ce chapeau miteux annoncer à l'assemblée dans quelle maison devait être envoyé celui qui le portait.
« Dana McBrien ! » annonça le professeur McGonagall
Les cheveux de Dana prirent une teinte rose pâle au moment où elle monta sur l'estrade. La couleur s'intensifia lorsqu'elle s'installa sur le tabouret et sentit le poids du chapeau sur sa tête.
« Hum...voilà qui est intéressant... Je sens de grandes capacités dans cette tête bien faite... Le choix est difficile mais je pense que tu t'épanouiras nettement mieux à...»Dana ferma les yeux en attendant le jugement qui allait définir les sept années à venir. Mais peu importe où elle irait, elle voulait devenir une grande sorcière. Quelques semaines plus tôt cette perspective l'effrayait, ne souhaitant pas donner raison à sa mère. A présent, elle voulait lui prouver qu'on pouvait être élevée par des Moldus et réussir.
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« Allez, réveille toi marmotte ! »Dana ouvrit péniblement les yeux, mais le sourire aux lèvres. Elle savait quel jour on était. En ce 1er Septembre 1976, elle allait entamer sa cinquième année à Poudlard. Elle aperçut une silhouette svelte d'une femme qui lui souriait avec bienveillance, elle sentait un léger parfum de violette. Malgré son enthousiasme à l'idée de reprendre le chemin de l'école de magie, Dana aurait voulu rester encore quelques minutes dans son lit. Elle resserra donc sa couverture autour d'elle mais la femme qui n'avait pas quitté la chambre vint doucement la secouer par l'épaule.
« J'arrive, maman. » gémit-elle d'un ton résigné
Dana aurait voulu alors rester couchée quelques instants encore, mais en s'entendant elle se leva d'un bond, blême. Elle croisa le regard stupéfait de sa belle-mère dont le visage semblait lui aussi avoir perdu toutes ses couleurs. L'adolescente rompit rapidement le contact et chassa d'un papillonnement les larmes qui montaient à ses yeux.
« Je...je suis désolée Susan, je...ne voulais pas...tu...»Ses cheveux magenta devinrent alors plus blanc que la neige. Il lui suffit de les ébouriffer pour qu'ils reprennent leur couleurs naturelles, mais cela ne changeait rien au malaise qui s'était installé. Jamais depuis neuf ans elle n'avait prononcé ce mot, et elle savait que sa belle-mère tenait à ne pas remplacer celle qui lui avait donné la vie. Ce mot n'avait donc de place ni dans ce foyer, ni dans le cœur de la jeune fille et l'idée qu'elle ait pu le dire à voix haute la rendait presque malade. Elle se leva précipitamment en prenant soin de ne pas croiser le regard de sa belle-mère, une nouvelle année à Poudlard était sur le point de commencer, inutile de s'attarder sur de telles futilités.