Le berceau disposé au centre de la pièce attirait bien des curieux en ce matin de Mars. La dernière des Lockhart venait de pointer son nez rose. Et ce n’était pas une naissance anodine. Un nouvel enfant dans une famille de sang-pur signifie prospérité et mariages. Une petite fille appelle aux familles riches uniquement composées de jeunes hommes à étendre leur lignée. Une grande joie emplit donc les parents de cette petite fille, qu’ils nommèrent Pandora. En plus de ses parents, ses deux grands frères l’adoptèrent aussitôt et prirent grand soin d’elle, la protégeant de tous les dangers.

La bille roula le long du trottoir. La petite fille s’empressa de la récupérer accompagnée d’un rire taquin. Elle avait attendue toute la journée que son frère veuille bien jouer et c’était bien la première fois que cette histoire ne finissait pas en larmes, après tout, la petite avait l’habitude de toujours avoir ce qu’elle désirait assez vite (si jamais on l’y autorisait). Mais ce n’était pas la faute de Dorian s’il avait prit autant de temps, l’étude des runes à sept ans n’est pas ce qu’il y a de plus facile et il aurait largement préféré aller jouer avec sa petite sœur. Aussi s’empara-t-il de la bille sous les acclamations de cette dernière pour la faire disparaitre. Quoi de plus impressionnant qu’un grand frère me direz-vous ?

« Jeune fille, veuillez utiliser la fourchette adéquate au poisson, je vous prie. » Le ton ferme et froid de sa mère traversa l’assemblée, ricochant sur les murs froids de la salle à manger de la famille. Deux yeux bleus vifs et taquins quittèrent l’assiette de porcelaine pour rejoindre ce regard face à elle. « Veuillez m’excuser mère, disons que je ne fais guère la différence entre mes dizaines de couverts. » Un silence de plomb s’installa autour de la table. Pandora n’avait de cesse de remettre en cause l’autorité parentale, à peine âgée de six ans, elle ne supportait pas toutes ces leçons, tous ces précepteurs. Se tenir droite, parler français sans accent, toujours bien coiffée, bien habillée. Présentable devait-elle être. Mais la petite fille voulait pouvoir courir dans le jardin de cette grande propriété dont elle ne voyait l’herbe verte que pour ses balades quotidiennes. Par la barbe de Merlin, ce n’était qu’une enfant !

Enfant qui apprit bien vite qu’elle n’avait pas le moindre contrôle sur ce qu’elle faisait. Elle voyait déjà ses parents réfléchir à un jeune homme de bonne famille à qui elle pourrait faire de beaux enfants. Et ses frères eux n’avaient rien à redire, voulant simplement faire la fierté de la famille. Aussi elle se plongea dans les bouquins, apprenant par cœur des manuels qu’elle n’étudierait que bien plus tard, faisant courir ses doigts sur un piano qui la laissait s’échapper de la demeure familiale. En apparence, elle était une petite fille sage, à l’air froid et hautain, obéissant sagement à ses parents et jouant calmement avec ses frères. Elle était studieuse et quasiment prête pour Poudlard. Mais en réalité c’était tout autre chose.

La lettre était posée sur la table du salon. Réplique exacte de celle arrivée l’an passé pour Nolan. Voilà déjà dix mois environ qu’elle subissait seule cette éducation dont elle était prisonnière. Ses seules escapades se résumaient aux promenades dans le jardin et aux voyages familiaux en Russie. Mais ce bout de papier, cette lettre était une promesse d’espoir, elle allait enfin être libre. Elle attrapa donc la lettre en provenance de la plus grande école de sorcier de Grande Bretagne. L’excitation se ressentait dans chaque parcelle de son corps.

Le train était à quai et pour la première fois, elle ne dirait pas au revoir à ceux qui partent, mais à ceux qui restent. Ses frères avaient absolument tenu à l’accompagner jusqu’à son wagon, à l’installer confortablement et elle avait été obligée de taper Nolan pour qu’ils veuillent bien la laisser. Elle s’était rapidement retrouvée avec d’autres élèves, pas que des sangs-purs, ce qui aurait fortement déplu à son père, mais elle s’en fichait. De toutes les façons, elle passa la moitié de son voyage assoupie, bercée par le ronron du train et par les discussions bruyantes. Elle ferma les yeux lorsque le Choixpeau vint prendre place sur sa tête. Elle repensa alors à sa découverte de la magie, lorsqu’elle avait fait voler tous les livres dans la bibliothèque tant elle était excédée par les manières de sa préceptrice. Et à la joie qui l’avait submergée en ayant cette confirmation qu’elle pourrait user de la magie et apprendre des sorts par dizaine, qu’elle pourrait un jour être assise à la place où elle était alors. Le nom de sa maison résonna dans la Grande Salle et elle rejoint sa nouvelle table sous les applaudissements de sa maison.

Personne ne parlait aussi peu qu’à la bibliothèque et Pandora adorait ce silence calme qui y régnait. Elle posa sa plume, appréciant ce travail fini qu’elle pourrait rendre au professeur Flitwick dès le lendemain. Elle n’aurait pas dû travailler sur ce sujet, mais elle avait voulu le faire et le professeur désirait voir jusqu’où elle pouvait aller. Il était loin de se douter de ce qu’elle connaissait. Avec toutes ces années passées au manoir à ne rien faire mis à part apprendre de nouveaux livres ou comment dresser une table. Personne ne pouvait se douter de ce qui se cachait derrière la petite fille solitaire à l’air froid et renfermé.

Un bruit résonna sur la paroi vitrée de la fenêtre. Un râle se fit entendre dans la chambre. « Mais qu’est-ce qu’il veut ce hibou bon sang ? » Certes, deux heures du matin n’est pas une heure pour apporter du courrier. Mais hélas, les mauvaises nouvelles n’attendent pas toujours le bon moment pour arriver. D’ailleurs, y a-t-il un bon moment pour annoncer à quelqu’un que son frère est mort ? Pandora vous répondra que non. Aussi loin de sa famille, au milieu de l’hiver sibérien, personne n’aurait pu se douter que la petite Panda, ainsi qu’aimait l’appeler son frère, allait devenir une jeune fille en rébellion ?

« Miss Lockhart, je vais être obligé d’informer vos parents de votre comportement ! » La tête d’ange se détourna de son groupe d’amis avec qui elle plaisantait. « Sans vouloir vous paraitre grossière professeur, mes parents auront bien du mal à vous croire au vu de mes notes. » Une chauve-souris rose décolla alors de sa table, terrifiée par le sort que venait de lui lancer la jeune fille. Un sourire calme se dessinant alors sur son visage. Elle n’avait que faire des réprimandes de ses parents et ne cherchait qu’à les provoquer.

La fête battait son plein à l’abri du corps professoral. La salle sur demande protégeant alors ces étudiants de se faire prendre la main dans le sac. Pandora saisit ce verre que lui tendait un jeune homme plutôt mignon, lui adressant son plus beau sourire. Elle était séduisante, malgré son jeune âge et en jouait. Son frère n’aimait pas ça, mais une fois de plus, elle n’avait pas grand-chose à faire de ce qu’il pouvait penser. Elle l’adorait, mais il ne comprenait pas qu’elle puisse en avoir de l’éducation qu’ils recevaient depuis tous petits. Et malgré toutes les heures de retenue qu’elle pouvait avoir, elle restait dans les premiers de la classe. De quoi se plaignait-il donc ?

Elle entra d’un pas vif dans la bibliothèque, lançant son regard hautain le plus travaillé à quiconque le croisait. Vous vous demandiez pourquoi la demoiselle n’avait pratiquement pas d’amis ? Laissez-donc faire, vous comprendrez bien vite que ce n’est qu’une carapace. Son pas rapide et décidé la mena rapidement devant la table de ce jeune homme. Remus. Un gryffondor, un de ces maraudeurs, fauteur de trouble et bruyant spécimen du sexe opposé. Elle lui avait pourtant remarqué quelque chose de différent, comme une fêlure dans le regard, une fragilité, qui malgré ce qu’elle laissait entendre, ne la laissait pas indifférente. « Lupin, j’ai cru comprendre que tu avais un bouquin sur les sorts à connaître pour l’année prochaine et j’aimerai beaucoup prendre de l’avance. Tu me le prêterais ? » Ne vous étonnez pas de ne pas entendre de formule de politesse de sa part, la demoiselle accepte déjà de vous parler, à vous qu’elle ne connait pas, ne lui en demandez dont pas trop ! Mais le sourire qu’elle lui offrit remplaçait toutes les politesses du monde.

Elle tenait Vicky par la main, sa meilleure amie, celle pour qui elle aurait éteint le soleil. Elle avait enfin rejoint les bancs de Poudlard et il était évident de constater que cela n’avait fait qu’empirer le caractère de la jeune Serdaigle. Elles avaient toujours été là l’une pour l’autre, lors de la mort de Dorian ou lorsque cet abruti avait quitté Vicky. Le bal était grandiose, comme chaque fois. Toutes deux étaient encore plus grandes que d’habitude, montées sur leurs talons. Une jeune fille de deuxième année s’approcha d’elle, désireuse de leur demander quelque chose. C’était une moldue, et la famille Lockhart n’aimait pas les moldus, et justement Pandora lui adressa son plus beau sourire, sous le regard amusé de Vicky. Que ne ferait-elle pas pour énerver sa petite famille ?

Puis cette sixième année a débuté, apportant avec elle une flopée de nouveaux élèves venant de tous horizons. Entre l’ex petit-ami de Vicky qui revint pour la hanter et ce jeune homme qui traine dans la tête de Pandora, tout cela laisse peu de place aux révisions, même si elle rend toujours ses devoirs à temps et qu’elle obtient toujours les meilleures notes de la classe. La petite fille obéissante a bien grandit et désormais elle veut prendre les routes qui lui conviennent, vivre sa vie à elle, avant que quelque chose ne l’y arrache. Les temps qui courent sont si incertains, elle ne veut pas passer à côté.