Depuis aussi longtemps qu'il puisse se souvenir, Remus était un Loup-Garou. Mordu à six ans, il ne se souvenait pas vraiment de sa « vie d'avant ». Sa vie sans crise tous les mois, sans voisins effrayés, sans déménagements répétés... Remus se disait qu'à cette époque là, il devait encore avoir une famille. Ça faisait bien longtemps qu'il n'avait plus vu ses grands-parents, ses oncles et tantes, ses cousins, qui avaient tous dû couper les ponts en apprenant la triste nouvelle de sa transformation… De ce que ses admirables parents lui disaient, il était un adorable gosse, plein d'entrain, toujours prêt à faire des bêtises. La phrase favorite de sa mère était d'ailleurs : « Tu ne veux pas aller faire ça, Remus ? Tu adorais, avant ! ». Oh bien sûr, elle ne précisait jamais avant quoi. Sa lycanthropie, même chez lui, dans son foyer, était presque taboue. Remus sentait que ses parents avaient peur, pour lui. Ils suivaient les actualités des découvertes magiques tous les jours, même sa mère qui était moldue, pour voir si quelqu'un n'avait pas inventé une potion, ou un sortilège, ou trouvé un ensemble de Runes, pour tenter d'au moins l'apaiser.
Pour soigner les longues griffures qu'il se faisait, ils tentaient toujours tout. Les points de sutures moldus, les pommades magiques, tout, tout. John Lupin, le père, s'en voulait énormément de ce qui arrivait à son fils. Pour lui, s'il était obligé de se transformer en créature sanguinaire tous les soirs de pleine Lune, c'était de sa faute, et il pensait cela parce que c'était lui, et personne d'autre, qui avait énervé Fenrir Greyback, et dès qu'il avait pu, celui-ci était allé se venger en mordant son fils. S'il avait pu, et surtout si ça avait servi à quelque chose, il aurait donné sa vie à son fils. Mais il était mieux dans le monde des vivants, à l'aider comme il pouvait, et à tenter de se repentir.

Remus avait toujours vécu enfermé, jusqu'à ses 11 ans du moins. A partir de là, à Poudlard, et grâce à Dumbledore principalement, il était devenu plus libre, dans la mesure du possible, du moins. Tous les mois il allait, entouré de ses trois meilleurs amis, dans la cachette prévue pour lui, la Cabane Hurlante, et passait une nuit dont il gardait, en tous cas de puis un an, toujours un bon souvenir.
En effet, depuis le début de leur cinquième année, Sirius, Peter et James maîtrisaient le sortilège d'Animagi, et pouvaient se transformer en animal sans problème majeur - oui bon ... Sauf pour Peter, mais chut, il n'aime pas trop qu'on lui fasse remarquer que quand il est rat, sa queue ressemble plus à un gros lombric qu'à autre chose ... Ils devenaient alors une fois par mois les Maraudeurs version animale, en somme ! Imaginez le tableau : un cerf, un gros chien et un rat qui tentent de calmer un énorme loup garou coincé dans une cabane exigüe. Et non, ça n'avait rien de drôle, et surtout pas pour Lunard...  Mais c'était moins difficile à supporter. Parce qu'au fond de lui, il savaient que ses amis étaient là, et qu'ils le seraient toujours.

Le garçon vivait mal sa lycanthropie. Très mal, même. Peut-être l'avait-il acceptée, et encore, mais il était bien loin de l'assumer, même auprès de ses meilleurs amis, il en parlait peu. De toutes façons, ce n'était pas un ''don'' dont on pouvait se vanter, oh non, vraiment pas. Ce n'était pas simplement un « léger problème de pilosité », comme disait Sirius. Ou une sorte de « problème de fille menstruel » comme disait James. Non, c'était bien plus grave. Une fois par mois, chacun des os de son corps se brisaient pour se reconstruire et faire de lui un loup géant, un Loup-Garou uniquement dirigé par la Lune et le sang-humain. Une fois par mois, il se transformait en animal meurtrier et sanguinaire, capable de tuer pour se nourrir et perpétuer son espèce. Il était monstrueux. Monstrueux.
Heureusement, oh oui, heureusement, il avait ses amis. Il les avait rencontré dans le Poudlard Express, et c'était immédiatement lié à eux. Ils avaient vite compris que quelque chose clochait chez ce Gryffondor mystérieux, travailleur et plus introverti qu'autre chose, qui s'absentait une fois par mois, soit-disant pour aller « s'occuper de sa mère moldue et souffrante ». Ça leur avait pris un peu plus d'un an. Au milieu de leur deuxième année, leur Musmus était revenu vraiment amoché. Ils avaient cru un instant qu'il s'était fait battre, tellement son corps était recouvert de bleus et de griffures. Jusqu'à ce que le petit Peter dise, complètement innocemment « En plus hier, c'était la plaine Lune ! ». Tout correspondait, tout. Ils comprirent. Et décidèrent d'immédiatement ajouter dans leur emploi du temps surchargé la quête d'un moyen d'aider Remus. L'idée leur vint naturellement en troisième année, quand Madame MacGonagall se changea en chat sous leur yeux. Il fallait qu'ils puissent à leur tour se changer en animal. Comme ça ils pourraient tenir compagnie à leur ami, pendant ces soirs si terribles, dans la Cabane Hurlante.
C'est ainsi qu'ils ajoutèrent à leur liste de choses à faire, en plus de dessiner la carte du Maraudeur, plonger Severus Rogue dans une des toilettes des filles, faire exploser un pétard sur la chaise du professeur Pince etc :
Devenir Animagus.
Remus n'aurait pas pu leur être plus reconnaissant. Il ferait tout, pour eux, désormais, vu tout ce qu'ils avaient fait pour lui. Mais malgré cela, Remus se sentait toujours un peu à l'écart. Il était différent de ses amis, il était différent du commun des mortels, même, puisqu'il était une monstre.

Au moment de notre histoire, Remus a seize ans. Il est allongé sur le lit trop petit de sa maison étriquée, et caresse de sa main droite la cicatrice que lui a laissé Greyback sur la poitrine, en dessous de son épaule gauche. Il aussi trois longues traces sur le visage, profondes, laissées par les griffes de ce même Loup-Garou. Des mèches châtain lui tombent sur ses yeux gris. Il n'a pas eu le courage de ce raser, ce matin. De toutes façons, ça n'aurait servi à rien, puisque ce soir, il a son souci menstruel de poil, pré-rentrée scolaire. Il sera seul, ce soir, enchainé dans la cave en dessous de la bicoque familiale, coincé sous la trappe fermée par quelques sortilèges. Il se blessera certainement, d'ailleurs, dans cet endroit trop petit. Mais qu'importe. Là dessous, il ne pourrait faire de mal à personne. Il était dangereux.
Remus se redresse, puis se lève. Il est temps de partir petit-déjeuner, et il lui faut des forces avant le « grand soir ». Il faut qu'il pense à autre chose. Il va rentrer en sixième année à Poudlard. Il a passé ses BUSE avec brio (4 Optimal : en Défense, en Métamorphose, en Sortilèges, en Potions, et sinon des Efforts Exceptionnels : Histoire de la Magie, Soins aux créatures Magiques, Astronomie et Arithmancie). Il est doué, en cours. Il a été nommé préfet. Il est intelligent. Malin. Bon, il sait aussi se servir de toutes ces qualités pour faire quelques farces, parce que lui et le règlement, ça fait deux, parfois. Mais il est plus raisonnable que ses amis, oh oui, bien plus. C'est souvent lui qui les calme, d'ailleurs. Il les canalise autant qu'il peut, comme eux le font tous les 28 jours. Il est courageux, aussi, parfois. Il tient tête à ceux à ceux qui le cherchent un peu trop, mais préfère toujours régler les maux autrement que par la baguette.
En descendant petit déjeuner, il passe devant son miroir en pied. Il n'a que très peu de cicatrices sur sa poitrine nue de sa dernière pleine Lune. Il l'a passée avec ses amis, celle-là. C'était au tout début du mois d'Août, les Maraudeurs étaient restés une semaine chez Peter. Sa cave avait fait l'affaire, mais cette fois pas de chaines, juste la présence de Cornedrue, Patmol et Queudver, qui avaient su le calmer.
Allez. Une nuit difficile à passer, et après Poudlard, ses amis, et les nouveaux. Oh oui, les nouveaux. Ça, ça va être drôle. Ça, ça va être bien.