31 OCTOBRE 1981.
C'était une soirée comme les autres pourtant, n'est-ce pas ? Leur confort familial, le repas partagé entre les rires et les réprimandes - " Mon dieu James, tu vas éborgner ton fils si tu continues à agiter cette fourchette comme ça ! " - et puis cette routine qui s'était installée. Reposante. Agréable, finalement. Ils s'étaient retrouvés dans le salon, comme à leur habitude, pour discuter, jouer avec Harry ou encore écouter la radio sorcière.
Tout allait bien, non ?
James n'avait pas perdu espoir, non, même après tous ces mois à vivre caché, il était persuadé que la situation allait s'arranger. Lily le regardait alors avec une tristesse dans les yeux qui lui était insupportable. Elle désespérait ; il avait choisi de rester optimiste pour deux. Ce n'était pas parfait mais c'était mieux que rien. Être ensemble, avec leur fils, en sécurité.
Et puis, c'était Halloween aujourd'hui. Leur dernier, pas vrai, Lily ?
*
31 OCTOBRE 1980.
- Lily, je te promets, si je dois encore changer de déguisement, je fais une crise.
La jolie rousse afficha un sourire malicieux et passa ses mains derrière lui, caressant son dos. James se laissa envahir par son parfum sucré. Il adorait les effluves fruitées qu'elle utilisait pour son shampoing, cela le rendait complètement fou. Elle se rapprocha et susurra à son oreille :
- Désolée chéri mais je crois que le costume de vampire t'allait mieux.
Il lâcha un soupir exagéré. Bon sang, il en avait marre. Harry était chez des amis qui avaient généreusement proposé de le garder et ce soir, c'était la fiesta. Leur fils de trois mois était adorable vraiment. Une bouille d'ange, d'immenses yeux verts, James ne pouvait pas lui résister.
Sauf que depuis deux semaines, James ne dormait plus. Et il était prêt à tout pour passer une soirée tranquille avec ses meilleurs amis, boire un peu - ok, boire beaucoup -, et s'endormir avec sa femme pendant une nuit entière. Il en tremblait presque tellement cela lui paraissait invraisemblable. Huit heures entières de sommeil.
Il allait en pleurer.
Sauf, qu'évidemment, Lily était insupportable sur le choix du costume ! Ils devaient être partis depuis une heure. Une heure ! Le loup n'allait pas, le gobelin était de mauvais goût, le vampire était un peu cliché même chez les moldus, la plante de fleur ne faisait pas assez peur, bref, tout y était passé, rien n'allait. Ils n'arrivaient pas à accorder leurs violons.
Il voulait juste aller faire des shooters de vodka avec sa bande de copains, quoi !
James retira, agacé, sa tenue en cuir et ses oreilles de chat. Lily lui avait conseillé d'être ironique. Étant donné que pour plein de filles, Halloween était l'occasion de s'habiller de façon sexy, pourquoi ne pouvait-il pas le faire lui aussi ? Mais, le costume de Catwoman n'était définitivement pas pour lui.
L'ancien Gryffondor était persuadé qu'elle avait pris des photos pendant qu'il ajustait sa queue de chat. Elle lui avait juré que non pourtant...
- Lily. Je t'aime. Tu es l'amour de ma vie. Nous avons un fils ensemble. Bon, il est super chiant mais ça va, je l'apprécie malgré tout. - coup de coude de Lily - Je t'en prie. Si tu veux que notre couple dure, arrête de me saouler avec cette histoire de déguisement. Je m'habille en vampire : fin de la discussion.
- Et je suis d'accord avec toi.
James eut un rire sarcastique. Il passa une main dans ses cheveux et eut un sourire complaisant.
- Non, non, tu n'es pas d'accord. Dans un quart d'heure, tu vas changer d'avis et me dire que le lapin m'irait mieux ou que sais-je.
Lily lui tira la langue et le fit tourner pour qu'ils se retrouvent face à face. Il admira un instant ses prunelles étincelantes, sa peau de porcelaine, ses lèvres pleines. Il fut frappé par les traits tirés qu'elle avait et les cernes violacées qui s'étendaient sur ses pommettes. James oubliait parfois l'horreur qui faisait rage dehors. Avec elle, tout allait bien se répétait-il inlassablement. Rien ne pouvait déranger ce bonheur fragile.
Et puis, il suffisait d'un article dans la Gazette des Sorciers. D'une nouvelle annonçant la mort d'une de leurs connaissances. D'une mission pour l'Ordre qui tournait mal et dont il s'en sortait de justesse. Dans deux semaines, le couple allait s'installer dans une maison protégée par le sortilège de
Fidelitas. Ils avaient repoussé le moment autant qu'ils avaient pu mais cela devenait urgent : ils étaient en danger. Plus important, Harry était en danger.
- James, je te promets, je changerai pas d'avis, dit-elle, le sortant de ses pensées plutôt sombres.
- Mouais, tu m'as dit ça avant.
Elle eut un joli rire cristallin.
- Allez, habille-toi, Catwoman, on est en retard.
*
14 MARS 1981.
- J'en peux plus, James, je t'assure, cette maison me rend folle !
Elle criait. Ses cheveux roux volaient autour de son visage et captaient la lumière du soleil, semblant s'embraser soudainement. Ils étaient dans le salon, en train de se disputer. Harry dormait dans la chambre du haut. Heureusement, Lily avait eu l'idée d'insonoriser la chambre, pour qu'il ne puisse rien entendre.
- Et qu'est-ce que tu veux qu'on fasse, Lily ? Vas-y, donne-moi une idée ! On ne peut rien faire à part rester ici ! répliqua-t-il, la voix dure.
Il ne savait même plus pourquoi ça avait commencé. Sans doute un simple détail qui leur avait rappelé qu'ils étaient en guerre, que ce cocon dans lequel ils vivaient se transformait de plus en plus en prison, que leurs amis mourraient et qu'ils étaient coincés.
- Je suis si fatiguée, James, finit-elle par dire.
Il s'approcha d'elle, hésita pendant une seconde à la prendre dans ses bras et n'y tenant plus, le fit. Elle enfouit sa tête dans le recoin de son épaule et il la berça doucement. Parfois, c'était elle qui craquait, parfois c'était lui - mais s'il devait être sincère, c'était surtout lui. Il ne supportait pas de rester enfermé. Dans les deux cas, l'autre devait être fort et essayait de rassurer, réconforter. Ils n'avaient qu'une vingtaine d'années. Toutes ces responsabilités, ces menaces, pesaient lourd sur leurs frêles épaules.
- Lily, je t'assure que tout va finir par s'arranger. Quelqu'un va
le vaincre et on pourra enfin sortir d'ici, vivre une vie normale.
- Tu me le promets ?
Il se recula un peu, pour la voir. Ils échangèrent un long regard.
- Je te promets, Lily. On ira manger une glace au Chemin de Traverse, boire une bière dans un pub moldu, rendre visite à Sirius, à Remus et à Peter. Faire les boutiques, m'acheter un nouveau balai. Tu crois qu'il existe des balais avec des sièges pour enfants ? demanda-t-il d'un ton innocent.
Cette fois-ci, ce fut la rouquine qui se recula, mais plus brusquement. Elle leva un sourcil sarcastique.
- Si tu crois que je te laisserai emmener mon fils de quelques mois sur ton balai, tu peux rêver.
- Tu ne me fais pas confiance ?
- Je t'en prie, James. Ce n'est pas une question de confiance mais de sécurité.
- Comme s'il pouvait lui arriver quelque chose avec moi !
- Mais dans quel monde vis-tu où mettre un bébé sur un balai pour adulte est une bonne idée ?!
- J'étais un excellent poursuiveur ! Je suis très bon sur un balai, Lily, tu le sais.
- Ahahaha, comme la fois où tu as raté ton piqué et tu as fini avec une commotion cérébrale et les dents de devants cassées ?
- J'avais quinze ans ! Je suis beaucoup plus mature maintenant.
- Y'a trois jours, tu as donné à notre chat une potion pour le changer en poisson !
- Mais quelle idée de prendre un chat ! En plus, ce stupide chat n'aime pas Sirius, je vois définitivement pas pourquoi on l'a pris.
- Sirius ne vit pas avec avec nous, je te le rappelle pour la énième fois ! Nous n'avons pas à prendre nos décisions par rapport à lui ! Et les chats sont très biens !
La dispute, beaucoup plus légère que la précédente, continua pendant une bonne demie-heure. C'était plus pour se décharger de la tension et parce que, soyons francs, il s'amusaient bien à se lancer des piques. Ils finirent par s'arrêter quand Harry commença à pleurer. Ils échangèrent une oeillade complice et montèrent à l'étage.
*
1er AOUT 1981.
- Tu as demandé à Sirius d'offrir ce cadeau, n'est-ce pas ?
James eut une moue d'enfant pris en train de faire une bêtise, un sourire adorable qui fit fondre l'exaspération de Lily. Le premier anniversaire d'Harry avait été très calme, vraiment tranquille. Ils avaient invité des amis mais comme beaucoup étaient en mission pour l'Ordre, ils ne s'étaient retrouvés que tous les deux avec Bathilda, leur voisine.
Le couple étant très apprécié, les cadeaux s'étaient entassés toute la journée. Des bouquins d'éveil, des peluches, des jeux éducatifs, un tambour - ce qui avait effaré James et Lily au plus haut point, on n'offre pas un instrument de musique bruyant et désagréable à un enfant de un an. Et celui de Sirius, un balai-jouet, avait trouvé grâce auprès d'Harry. Il l'adorait. Et Lily s'était rapidement calmée en voyant à quel point son fils aimait le cadeau et que, cerise sur le gateau, c'était très prudent.
- Bon, d'accord, je confesse. J'ai un peu sous-entendu à Sirius que ce serait une bonne idée.
Lily afficha un sourire et jeta un regard désolé aux vases cassés par terre. La bonne nouvelle était que celui offert par Pétunia pour Noël était le plus... pulvérisé. Et James savait à quel point sa femme adorée le détestait. Mauvaise nouvelle, Harry avait failli tuer le chat. L'éclat de rire de James à ce moment-précis n'avait, comment dire, pas forcément était très bien perçu par sa femme - mais plus si adorée que cela après leur brève dispute concernant sa cruauté animale.
- Je confesse aussi, Sirius a eu une merveilleuse idée. Harry ne s'en lasse pas et il faut juste qu'on... Fasse de l'espace pour la prochaine fois qu'il en fera. Et on retire tous les bibelots et vases à proximité ! déclara Lily.
James se pencha et l'embrassa.
Parfois, il prenait peur. Être marié, avoir un enfant aussi jeune, faire partie de l'Ordre du Phénix, rester caché, ne pas pouvoir sortir - plus d'escapades dorénavant, Dumbledore avait pris sa cape en plus. Et puis, il y avait ces moments tellement banals qui l'emplissaient de joie. Sa Lily, toujours aussi enflammée et ô combien génialement agaçante, son fils - un futur grand joueur de Quidditch, il en était sûr -, ses amis qui passaient aussi régulièrement qu'ils pouvaient.
Lily enroula ses bras autour de sa nuque et le baiser se fit plus passionné. Elle lui fit un clin d'oeil malicieux et commença à déboutonner sa chemise.
*
31 OCTOBRE 1981.
- On se déguise pas cette année alors ? demanda James, en passant une main dans ses cheveux.
Lily secoua la tête. Elle était toujours aussi jolie, qu'importe les circonstances, remarqua-t-il tranquillement. La farine sur le visage, les bouts de pâtes coincés entre quelques mèches flamboyantes, les doigts poisseux à cause des oeufs. Lily faisait la cuisine, un gâteau probablement. L'activité culinaire et très banal avait rapidement dégénéré quand James avait commencé à lui jeter divers ingrédients sur la tête.
Il avait espéré - un peu stupidement - que Lily aurait stoppé la bataille et réagi en personne mature. Mais, non, elle avait rétorqué et qui était en train d'essayer d'enlever l'huile de sa tignasse emmêlée ? Bingo, James.
- Personne ne peut venir à la maison ce soir, de toute façon. J'ai demandé à Georgia, Adonis, Zéphyr, Sirius, euh, Sasha... Mon dieu, notre groupe d'amis est énorme, c'est insupportable de se rappeler leurs prénoms, continua James.
- Pandora, Gabriel, Elijah, Remus, Peter, Mary. Oh et Dirk aussi. Tu as une mémoire de poisson rouge, Potter, voilà le problème.
Il grommela quelque chose dans sa barbe inexistante qui valait mieux que Lily n'entende pas.
- Tu sais, Peter n'a pas l'air très bien en ce moment, dit Lily, l'air concernée. Elle faisait chauffer du chocolat noir avec sa baguette. Je m'inquiète pour lui. Tu devrais lui parler.
- Je pense que c'est à cause de l'assassinat des Brown, il était proche de William.
La mort, partout. Tout le temps, en permanence. À la radio, dans la Gazette, dans la voix tremblante de leurs proches. Chez eux, parfois. Qui s'infiltrait insidieuse et laissait peser sa lourde épée au-dessus de leur tête.
- Je pense qu'il est préférable que nous passions une soirée tranquille tous les trois, James.
Il acquiesça et l'aida à nettoyer les éclaboussures de farine, d'oeuf, d'huile... Finalement, il piqua un baiser sur sa joue et s'en alla dans le salon. Il avait envie d'écrire une lettre à Remus, cela faisait longtemps qu'il n'avait pas eu de nouvelles du jeune loup-garou. James se doutait que ses missions pour l'Ordre devaient être difficiles ; son ami lui manquait.
*
12 JANVIER 1979.
Il neigeait. Le vent frais balayait tout et James jura quand une branche tomba à ses pieds. S'il avait avancé un dixième de seconde plus rapidement, elle serait tombée sur sa tête. Il avait du mal à marcher dans la dizaine de centimètres de neige qui couvrait le chemin. Quel temps de chien.
James avait pris sa décision. Après réflexion, après avoir demandé conseil à autant de personnes possibles (sincèrement, il plaignait Mary pour le choix interminable de la bague ou encore Georgia sur les circonstances de la demande et même Sasha sur comment il devait s'habiller), il allait demander Lily Evans en mariage. Après autant de rebondissements, de disputes, de " je te déteste, plutôt mourir que de sortir avec toi ", de fausses déclarations, d'autres filles, James voulait s'engager.
Il avait peur qu'elle dise non. Il avait peur que cela soit une énorme connerie qu'i regretterait à la minute suivante. Il avait peur d'être trop jeune, de choisir un moment où tout se cassait la figure autour de lui, il avait peur que Lily trouve ça de mauvais goût alors qu'encore la semaine dernière, une de leurs connaissances était décédée. Surtout, il avait peur qu'elle dise non.
Parce qu'il s'en fichait de tout le reste, de la guerre, des morts, de sa jeunesse, de regretter, il voulait être avec elle, il voulait l'épouser, il voulait tout ça.
James sortit sa baguette et tapota sur la porte qui était maintenant devant lui. Une poignée de secondes plus tard, elle s'ouvrit et il monta, impatient, terrifié, angoissé, les marches qui le séparaient de l'appartement qu'il partageait avec Lily.
Ils s'étaient rapidement installés ensemble, après leur sortie de Poudlard. Cela leur avait paru logique, imparable.
Il entra sans toquer, se débarrassa de sa cape. L'appartement était plutôt petit mais accueillant, avec des couleurs chaleureuses et toujours cette irrésistible impression d'être chez soi. James aurait pu acheter quelque chose de plus grand mais Lily avait refusé, arguant qu'il n'avait pas à l'entretenir comme une vulgaire poule de luxe.
Il eut un sourire nerveux et tâta sa poche qui renfermait la précieuse bague. Ok, maintenant, il flippait complètement. Et si elle disait non ?
"
Tais-toi, Potter. Elle ne va pas dire non. Elle va pleurer, dire oui, se jeter dans tes bras et vous ferez l'amour sauvagement ensuite. Voilà. " Et si elle disait non, il se mettrait à pleurer, se jetterait à ses pieds et... ferait quelque chose de sauvage sous le coup du désespoir, comme se jeter par la fenêtre la plus proche. Super, un plan génial. Ah, il s'adorait.
- James, c'est toi ? fit une voix inquisitrice.
- Euh, oui, Lily jolie chérie, c'est moi..., bredouilla-t-il. Il commençait déjà à perdre tous ses moyens.
Elle sortit de la cuisine - la pièce qui était reliée au salon par une porte en bois du côté gauche de la radio -, les cheveux attachés en chignon brouillon. Il tenta de lui faire un sourire qui s'effaça aussitôt quand il remarqua de 1 : ses sourcils froncés, de 2 : sa bouche qui était devenue un fin trait pâle, de 3 : ses mains sur ses hanches et de 4 : le paquet de cigarettes posé sur la table de chevet.
- Lily jolie chérie ? Tu es dans la merde, James Potter. Putain, je croyais qu'on avait dit que tu arrêtais de fumer ! Et qu'est-ce que je retrouve dans tes affaires ! Je suis désolée,
amour, mais les cigarettes ne te rendent pas cool, ok ? Et puis, t'as vu l'heure ? J'étais inquiète, tu es en retard de presque deux heures ! s'exclama-t-elle en pointant du doigt l'horloge accrochée au mur.
Mince, les clopes. Étant donné que James stressait comme un adolescent qui allait enfin conclure avec une fille, il s'était remis à fumer. Beaucoup. D'ailleurs, c'était étonnant qu'elle ne
les ait pas retrouvés avant, il avait repris cette mauvaise habitude depuis presque un mois maintenant.
- Euh, je...
- Euh, je quoi ? Depuis quand tu bredouilles ? s'exclama-t-elle en s'approchant de lui, menaçante.
Il ne savait pas quoi faire. Ni quoi dire. Tout le petit discours qu'il avait préparé était en train de s'effacer de sa tête. C'était quoi le début déjà ? " Lily, je sais que nous sommes ensemble que depuis bientôt deux ans. Mais, je pense que tu es la femme de ma vie. " Et la suite ? Un truc du genre je t'aimerai toujours, épouse-moi ? Merde, il ne s'en souvenait plus. Et même le début lui semblait bancal ! Il était amoureux mais pas niais " la femme de ma vie " était un peu trop... Guimauve à son goût.
Lily s'impatientait pendant qu'il réfléchissait à la suite de cette stupide déclaration. Elle tapait du pied et il tressaillait.
James n'était pas quelqu'un de stressé. Il était charismatique et comptait sur son charme et sa capacité à pouvoir parler de tout et n'importe quoi pour se sortir des pires situations. Il était piquant lorsqu'il le fallait, drôle, intéressant, cultivé, bref, il brillait en société. Et là, devant Lily, qui portait un
tablier par merlin, il restait sans voix.
Il prit une profonde inspiration.
Le moment de vérité.
- Lily.
- James ?
- Nous devons parler, dit-il précipitamment.
Le silence se fit, lourd, pesant et le visage de la jolie rousse se décomposa instantanément. Ses mains retombèrent, tremblantes, et elle détacha son chignon. Une cascade de cheveux tomba sur ses épaules, qu'elle repoussa du bout des doigts. Elle paraissait soudain très fragile, comme abasourdie par ce qui allait suivre. Il le comprit pas sa réaction aussi... étrange.
Et la brutalité de la phrase le frappa aussitôt. " Nous devons parler " ? Il n'allait pas rompre, pourquoi il avait prononcé une phrase aussi lourde de sens ? C'était un truc vu et revu ça, pour quitter sa copine, le " nous devons parler, en fait, c'est pas toi, c'est moi, désolé, je ne t'aime plus, restons amis, tu mérites mieux ".
Il secoua la tête. Ok, reprendre le contrôle de la situation.
- Je... Lily. N'y allons pas par quatre chemins.
- Tu ne vas pas me quitter, j'espère ? demanda-t-elle d'une voix blanche.
- Je, quoi ? Non, non, t'inquiète.
" T'inquiète " ? Putain. Il n'était peut-être pas niais mais sa demande devait quand même avoir une bonne dose de romantisme ; c'était le minimum. La soirée était en train de totalement se gâcher sous ses yeux. D'abord, le retard, les cigarettes, la dispute, le quiproquo de la rupture, le " t'inquiète " - sans doute l'expression la moins classe du monde - et... Pff. Il passa une main dans ses cheveux.
Allez, il pouvait le faire. Rattraper le coup comme un as.
- Je suis amoureux de toi, Lily. Je suis tombé amoureux de toi le jour où tu m'as fait un clin d'oeil après que je t'ai donné le vif d'or pour que tu te rendes compte ce que ça faisait de le toucher, je suis tombé amoureux de toi quand on s'est embrassés la première fois, je suis tombé amoureux après que tu aies souri à une de mes blagues, je suis tombé amoureux de toi quand tu as pleuré comme une gamine après un film nul qu'on avait vu ensemble. Je tombe amoureux de toi chaque jour. Je ne sais pas pourquoi toi, quel pouvoir t'as, mais à chaque fois que je te vois, que je t'entends, que je te touche, je retombe amoureux de toi. Indéfiniment.
Petit pause. Son coeur battait plus vite que jamais, il avait l'impression d'entrer dans un match de Quidditch, tout était là mais décuplé : l'adrénaline, la peur au ventre, la joie intense mais prête à basculer à n'importe quel moment.
- Alors voilà, aujourd'hui, j'aimerai que tu répondes à une question. Pas de pourquoi, de cris, pas de compromis, juste une réponse.
Sortir le coffret. S'approcher. Se demander s'il devait vraiment se mettre à genoux, étant donné qu'il avait super mal à sa cuisse à cause d'un sort qui avait failli le tuer lors d'une mission précédente, décider que finalement, oui, ça valait mieux. Se mettre à genoux. Tendre le coffret. L'ouvrir.
- Evans, toi qui m'as détesté pendant des années, Evans, la préfète parfaite, la coincée, Evans, la fille avec qui j'ai emménagée, Evans, avec qui je veux passer toute ma vie, enfin une partie de ma vie avant que tu ne deviennes trop... grosse - merlin, faisait-il vraiment une blague pendant sa demande ? il méritait qu'elle dise non, ce n'était pas possible d'être aussi idiot -, bref, Evans, ma Lily, veux-tu m'épouser ?
James leva finalement les yeux vers elle. Elle ne pleurait pas - merde - et n'avait pas l'air prête à se jeter dans ses bras. Il déglutit.
- James Potter, cela doit être une des pires demandes de mariages dans l'histoire des demandes de mariages.
Où était la fenêtre la plus proche ?
- Malheureusement, je vais devoir dire oui. Je ne me vois pas passer le reste de ma vie sans toi, tout simplement. Ou sans ton égo, qu'on peut compter comme une deuxième personne vu la place qu'il prend.
Boum. Boum. Boum.
Le temps d'une éternité. Elle affichait un immense sourire et ses yeux brillaient - yes ! - et il se releva. Sans prendre le temps de lui donner la bague ou quoique ce soit, il l'embrassa fougueusement.
*
31 OCTOBRE 1981.
Lily l'avait rejoint dans le salon. James posa fièrement la plume sur le bureau, relut rapidement sa lettre. Parfait. Concise, marrante - bon, après mûre réflexion, la moitié des blagues était... de mauvais goût -, et adorable. Il lui demandait de ses nouvelles, avait joint des photos d'Harry et lui avait finalement proposé, à la fin, de passer venir rendre visite le plus rapidement possible.
Il quitta la chaise de bureau et s'installa dans le canapé. Il ne savait pas quand il pourrait envoyer la lettre. Si trop d'hiboux passaient près de la maison, ils attireraient l'attention, sortilège de
Fidelitas ou pas.
Il passa une main lasse dans ses cheveux. James se sentait un peu fatigué. Il s'ennuyait énormément, surtout depuis que Dumbledore lui avait pris sa cape d'invisibilité, l'empêchant d'aller se promener dehors.
Il ne voulait pas paraître trop agacé devant Lily - elle qui faisait tant d'efforts - et au lieu de se plaindre/commencer une dispute/être un petit con insupportable, il alla chercher son fils qui était dans la chambre du haut.
*
4 NOVEMBRE 1976.
- Est-ce que tu m'entends quand je te parle, Potter ? Jamais. Ai-je besoin d'épeler le mot ? J-A-M-A-I-S, siffla Lily.
Elle était très en colère. Très rouge. Les cheveux fous, les poings serrés, et même ce petit tic qu'elle avait développé en sa présence : elle se mordait furieusement la lèvre inférieur. Avant, elle ne le faisait que quand elle réfléchissait.
Était-ce une victoire de faire partie de ses habitudes ?
Subjectivement, oui. Mais si James prenait un peu de recul, c'était tout le contraire. Elle ne pouvait pas le supporter, voilà tout ce que ça voulait dire.
Pourtant, cela n'empêcha pas à James de sortir d'une voix assurée :
- Allez, Evans, arrêtons de nous mentir. Toute cette tension sexuelle entre nous, ça te rend folle.
Il osa même lui faire un clin d'oeil. La préfète sembla sur le point de s'étrangle de rage. Il lui fit un petit sourire victorieux et repartit dans l'autre direction du couloir, en sifflotant.
Ah, c'était trop facile. Quand James s'apercevait que ses techniques de drague ne marchaient pas, il en rajoutait juste assez pour qu'elle soit à deux doigts de faire une crise de nerfs. C'était aussi bien un moyen de se rapprocher d'elle - plus le temps passait, plus il fallait qu'il en rajoute, elle s'habituait à lui et à ses remarques graveleuses - que pour se venger du fait qu'elle le rejetait sans cesse.
Gagnant-gagnant, non ?
C'est ce qu'il pensait sincèrement en continuant à marcher. Il sortit le vif d'or de sa poche et joua avec lorsqu'il entendit des pas derrière lui. Oh. Retournement de situation ? La préfète parfaite venait-elle de changer d'avis et de transformer ce " jamais " en " maintenant " ?
Il se retourna vers elle, un immense sourire au visage.
Qui fut accueilli par une violente claque.
*
26 AOUT 1978.
La plage. Les vagues, l'eau salée, le soleil brûlant sur leur peau d'anglais, les bikinis des filles, l'alcool, les fou rires, les cigarettes échangées, les feux de camp, leurs tentes, bref, l'été.
Ils avaient tous décidé de partir en vacances, après le diplôme. Les Maraudeurs mais pas que, tous les gens qui gravitaient autour d'eux et qui avaient fini par se faire une place indélébile, cette espèce de mélange hétéroclite de maisons et de personnalités.
James leur jeta un regard plein d'amour, qu'heureusement personne ne remarqua. Ses amis. Sa copine, ses frères, ses meilleures amies, son univers entier. Il ne pouvait se sentir plus heureux, plus jeune, plus
vivant.
Ce soir-là, ils avaient décidé de camper tout près de la plage. Ils entendaient en fond le bruit des vagues qui venaient doucement s'échouer sur le sable fin. Lily s'était lovée contre lui et ils formaient un cercle autour du feu. Une bouteille de vodka passait, paresseusement, de main en main. Les blagues fusaient, on se chamaillait pour un rien, on racontait des anecdotes.
James se sentait d'humeur nostalgique ou bien qu'il était un peu ivre, il décida de se lever. Il chancela mais Lily le stabilisa, avec un sourire moqueur. C'était lui qui avait la bouteille de vodka.
Il s'éclaircit la gorge et toutes les têtes se tournèrent vers lui.
- Mes chers amis, nous sommes ici réunis pour célébrer l'union de..., merde, je me suis trompé de discours, plaisanta-t-il. Je tenais juste à vous remercier pour ces années merveilleuses passées avec vous. Et je tiens à vous remercier pour les prochaines à venir. Il y a ici des gens que je ne pouvais pas saquer - clin d'oeil vers Adonis -, ou qui paraissaient trop différents - clin d'oeil à Pandora, quel beauf il faisait quand il voulait -, en tout cas, aujourd'hui, nous sommes ici, ensemble.
Quelqu'un chuchota " qu'est-ce que c'est niais, Potter " et la bande se mit à rire. James leva les yeux au ciel. Des crétins insensibles.
- Putain, vous pouvez pas apprécier un peu d'amour là, tout de suite ? Je voulais juste vous dire que c'était cool, vous êtes mes potes - bande de chanceux -, les années Poudlard vont me manquer mais elles ne conduisent qu'à de meilleurs choses après tout. Puissent-elles être toujours en votre compagnie.
Petit silence.
- À vous, à moi - surtout à moi - et à McGonagall qui aurait désapprouvé ce comportement irresponsable : santé.
James montra la bouteille de vodka et d'un geste assuré, la porta à sa bouche. Il ne restait que de quoi prendre cinq ou six gorgées. Après un discours aussi guimauve, il devait faire preuve de plus d'immaturité. Être sérieux, cela ne marchait que pour un temps.
Il la finit sous les applaudissements de ses amis.
- Je vous aime, les gars.
*
31 OCTOBRE 1981.
James sourit à son fils et fit léviter, grâce à sa baguette, le doudou en peluche d'Harry. Celui-ci, émerveillé, écarquilla ses grands yeux verts. Il voulut l'attraper, se pencha et tomba sur le tapis. James étouffa un rire.
Ils étaient à même le sol, installés, en train de s'amuser avec les jouets d'Harry. James les faisait voler dans les airs, ou créait un spectacle de marionnettes avec les peluches, ou encore les lançait sur sa femme, qui répondait par une exclamation agacée. Lily lisait dans le canapé derrière eux et James sentait ses jambes dans son dos. Tout était bon pour faire rire Harry - ou du moins, le faire rire lui-même.
Lily finit par se lever au bout d'une vingtaine de minutes et prit Harry dans ses bras.
- Il est l'heure d'aller manger.
- J'en ai marre de manger aussi tôt, Lily. Il n'est que dix-neuf heures ! J'ai l'impression d'avoir quatre-vingt ans, répondit-il, en rangeant d'un sortilège tout le bordel qui s'étalait dans leur salon.
Elle leva les yeux au ciel.
- Arrête de te plaindre et va mettre la table. J'ai passé deux heures à faire le repas et, ET, à concocter un dessert. Tarte à la melasse, petit ingrat.
*
16 JANVIER 1979.
Ils étaient assis dans le canapé.
Chacun à l'autre bout.
Sur la table basse, un test de grossesse.
- Je ne comprends pas pourquoi on n'a pas fait un test sorcier, finit par dire James.
Elle lui jeta un regard qu'il ne comprit pas. Dans le vert émeraude, se mêlaient confusion, colère et... Il ne savait pas si elle était heureuse ou triste. Et ça le rendait fou. Devait-il se réjouir qu'elle puisse être enceinte ? Ou au contraire, être effrayé ?
- Je préfère la version moldue. C'est comme ça que j'ai été élevée.
Son visage était impassible.
- James, écoute, je ne veux pas être... Mais, nous venons juste de nous marier. On n'a que dix-neuf ans. La situation en ce moment, avec l'Ordre du Phénix, est intenable. J'ai envie de travailler. Et... Je ne suis pas sûre si nous sommes prêts à devenir parents.
Elle hésitait. Elle prenait des gants. Il connaissait ce ton, cette cassure un peu désespérée dans la voix, il l'avait entendue un milliard de fois. Chaque fois pour la même raison. C'est parce qu'elle ne le pensait pas prêt. C'est parce qu'il était immature.
Cette cassure, elle l'avait eue pour emménager ensemble, pour s'engager dans l'Ordre, même deux ou trois jours après la demande en mariage. Lily l'aimait. Lily croyait en lui, elle savait qu'il était courageux, loyal, elle savait qu'il était empli d'empathie et prêt à tout pour aider les autres mais parfois, elle prenait ses distances.
Lily avait peur que James n'assume pas ses responsabilités jusqu'au bout, lui qui avait tant cherché à les éviter tout au long de son passage à Poudlard. Lily avait peur que James prenne la fuite.
Qu'il la laisse toute seule.
- Je... Si je suis enceinte...
Sa phrase mourut sur ses lèvres.
- Si tu es enceinte, nous élèverons cet enfant ensemble. Si tu es enceinte, nous emménagerons dans un endroit plus grand. Si tu es enceinte, nous formerons une famille.
Il se rapprocha d'elle jusqu'à pouvoir la prendre dans ses bras. Elle se serra contre lui et il sentit la tension se relâcher peu à peu, son parfum embaumait l'air. Il chuchota à son oreille :
- Et si tu es enceinte, nous appellerons cet enfant Elvendork. C'est unisexe.
Lily le regarda et un sourire agrandit ses lèvres. Puis, plus qu'un sourire, elle se mit à rire. Un véritable fou rire la gagna et bien vite, James la rejoignit.
*
31 JUILLET 1980.
- Bienvenue, Harry Potter.
Une photo, une seule avait été prise pendant ce jour.
Malgré les protestations de Lily, James l'avait emmenée à St Mangouste. Tout son délire " je veux accoucher de mon enfant comme ma mère l'a fait pour moi, sans médicaments ni rien " s'était vite arrêté après les premières contractions et elle l'avait remerciée en pleurant après la naissance d'Harry.
Sur la photo - prise par Sirius ou Remus peut-être, il ne savait plus -, on voyait l'heureux couple dans une chambre d'hôpital. Lily avait l'air fatiguée. Pas épanouie ou particulièrement heureuse, non, juste incroyablement crevée. Elle était allongée dans le lit blanc, tenant Harry dans ses bras. James lui, avait passé un bras autour de ses épaules et affichait un sourire éblouissant.
Il semblait le plus heureux des trois. Le moins fatigué, aussi. Il était tellement content que ça en était... Agaçant, surtout pour Lily sans doute. Ce n'était certainement pas lui qui avait accouché d'Harry, avait-elle chuchoté à Sirius quelques minutes auparavant.
La photo bougeait et on pouvait voir James passer une main dans ses cheveux ou piquer un baiser sur la joue de Lily. Elle le repoussait parfois ou sinon, elle regardait, pleine d'amour, les deux personnes les plus importantes de sa vie.
La légende était incroyablement longue et raturée. Écrite par Lily au début, les mots s'étendaient, dans une calligraphie soignée.
31 Juillet 1981, naissance d'Harry, dix-sept heures. Après une journée entière de pleurs, de cris et de souffrance atroce. Son père est ravi ; normal, il n'a rien fait. Plus brouillonne, une autre écriture s'ajoutait.
Lily est juste déçue que nous n'ayons pas pu l'appeler Elvendork. Apparemment, la société sorcière n'est pas aussi ouverte que je le pensais. Et encore celle de Lily.
James a de sérieux problèmes qui me font douter de sa capacité à élever un enfant s'il a un jour pensé que nous allions appeler notre fils Elvendork.Puis James.
Lily n'a aucun recul à cause de l'accouchement. Les drogues doivent toujours faire effet. Comment expliquerai-je à notre fils que sa propre mère a demandé au médicomage de la shooter au maximum ? Ou encore ses hurlements " Sortez-moi ça du ventre ? " Ah, le miracle de la maternité. Lily.
Si James raconte ça à notre fils, je n'aurai évidemment aucun scrupule à dire à tout le monde comment James s'est évanoui. Trois fois. Puis qu'il a fondu en larmes. Deux fois. Et qu'il a vomi. James, une nouvelle fois.
À cause de l'affreux repas que ta soeur nous avait concocté la veille !Lily.
Je t'en prie, Potter, arrête de trouver des excuses.James.
As-tu déjà vu une femme accoucher ? Face à face ? Parce que je t'assure, c'est dégoutant. Entre ça et le steak tartare de Pétunia hier soir - pourquoi sommes-nous allés les voir déjà ??? -, je me croyais dans un cauchemar.Lily.
Bravo, décrire l'accouchement de ta femme comme un cauchemar. JE TE RAPPELLE POUR LA ÉNIÈME FOIS QUE TU N'AS PAS ACCOUCHÉ ET PAR CONSÉQUENT, TU N'AS RIEN À DIRE LÀ-DESSUS. RIEN À DIRE. AUCUN BÉBÉ N'EST SORTI DE TON VAGIN.
Et, j'espérais que Pétunia m'énerve tellement que ça provoque les contractions. Ce qui a été le cas, au passage. *
31 OCTOBRE 1981.
Après avoir mangé et fait prendre son bain à Harry, ils étaient retournés dans le salon.
James avait mis la radio sorcière à fond, et une musique entraînante résonnait dans toute la maison. Lily avait bien essayé de le convaincre de baisser mais l'ancien Gryffondor avait refusé : quoi de mieux pour faire disparaître cette impression d'être vieux que du bon rock mis à plein volume ?
Harry portait son pyjama bleu et, assis dans le canapé avec lui, James s'amusait à créer des volutes de fumée colorée. Le petit garçon essayait de les attraper, en riant et en agitant ses mains minuscules. James souriait.
Lily sortit de la cuisine et détacha ses cheveux du lourd chignon qu'elle avait confectionné une dizaine de minutes auparavant. Ils retombèrent en boucles d'un roux foncé autour de son visage.
- C'est bon, tout est prêt pour demain.
James hocha la tête. Ils en avaient parlé pendant le dîner et avaient décidé d'inviter tout le monde demain soir ; ils ne supportaient pas d'être isolés et ils avaient vraiment envie de voir leurs amis.
- Tu veux Harry ?
Lily acquiesça et James prit leur fils dans ses bras et le lui tendit. Il jeta ensuite sa baguette dans l'autre canapé et s'étira en baillant. Il n'avait rien fait d'extraordinaire pendant la journée mais il était épuisé.
James passait une main dans ses cheveux.
Lily embrassait Harry.
La radio diffusait une musique mélancolique.
Et la porte d'entrée s'ouvrit brusquement.
*
- Lily ! Prends Harry et va-t-en ! C'est lui ! Va-t-en ! Cours ! Je vais le retenir...
Le Seigneur des Ténèbres éclata de rire. James comprit. Le retenir, sans baguette. Quelle idée stupide.
Une des plus stupides de sa vie, n'est-ce pas ?
- Avada Kedavra !
La lumière verte jaillit.
*
Une éternité de souvenirs.
Il avait toujours pensé qu'il verrait tous les moments de sa vie passés en accéléré.
Une éternité de souvenirs, pèle-mêle, qui s'entrechoquaient dans sa tête.
L'enterrement de ses parents, la première fois qu'il avait rencontré Remus, la blague contre les Serpentards où Sirius et lui avaient réussi à colorer leurs cheveux en rose - ce qui allait très bien à Lucius -, la moto de Sirius, leur dernier été en tant qu'élève, Poudlard et son dortoir, le balai que son père lui avait offert, Peter aussi - même dans ses derniers instants, James espéra qque rien n'était arrivé à son ami, sinon, comment serait-
Il là dans leur maison ? -, les cheveux blonds de Mary emmêlés pendant une bataille d'oeufs, son match de Quidditch où il avait écrasé les Poufsouffles, sa mère, leur fête d'anniversaire géniale dans la Salle sur Demande, avec tous ses amis, tous ses amis, leur portrait passait comme imprimé dans son esprit.
Lily, partout, son sourire étincelant, ses sourcils froncés, la bague qu'il lui avait offerte, son parfum, sa peau de porcelaine, ses hurlements, Lily encore et encore et puis, une étincelle, un nouveau chemin qui se trace, Harry.
Les " je te déteste ", " veux-tu m'épouser ", " tu es un des être les plus arrogants que je n'ai jamais rencontrés ", " Patmol, d'où il sort ce t-shirt ", " va crever, Adonis ", " je t'aime, je t'aime, je t'aime ", " tu diras bonjour à ta mère de ma part, Zeph ", " ne pars pas ", " James, je suis un loup-garou ", " au revoir ", " je t'en prie, Lily, donne-moi une chance ".
Qu'allaient devenir Lily et Harry ?
Tous les baisers, les chuchotements, les caresses, les engueulades, les coups de coude, les éclats de rire, les cuites, les draps froissés, les claques, les habits jetés par terre, la passion de leur amour. Tout cela, balayés aujourd'hui. Tous leur Halloween.
Son coeur s'emballa et il eut l'impression d'exploser sous cette avalanche d'émotions, de visages, d'histoires.
Lily. Harry.
*
Le sort le toucha de plein fouet.
James Potter tomba, telle une marionnette dont on aurait coupé les fils.
*
15 NOVEMBRE 1977.
- Alors, avec Evans, ça marche comment ?
James jeta un regard assassin à l'imbécile qui avait osé lui poser la question. C'était un garçon de sixième année, qui avait l'air profondément débile. Parler d'Evans. Comme si c'était son ami. On aurait tout vu, putain.
- Je ne vois pas en quoi ça te regarde, répondit James froidement.
- Allez, Potter, c'est ta dernière année à Poudlard... Tu vas bien essayer de te la taper non ?
Le Gryffondor eut sincèrement envie de se lever de son canapé et de lui casser la gueule. Il sentait ses poings lui démanger et il était à deux doigts de le faire. Après tout, qu'est-ce qu'il risquait ? Mais à ce moment précis, Lily descendit de son dortoir.
Si elle le voyait se battre, elle se dirait qu'il était encore très immature et un peu con et injuste et bla bla bla...
Elle se dirigea aussitôt vers lui. Elle ne portait pas son uniforme ; juste une longue robe noire plutôt seyante. Ses cheveux avaient été relevé en un chignon lourd et quelques mèches s'y échappaient, ondulant paresseusement, caressant sa nuque. Sans un mot, elle tapa sur son épaule et lui fit signe de la suivre dehors.
James jeta une oeillade assassine à son " camarade " avant de se lever du fauteuil où il était installé.
- Nous sommes amis, pas vrai ? demanda-t-elle une fois arrivés dans un couloir un peu reculé de la salle commune.
- Euh oui, évidemment.
Il se sentait très mal à l'aise quand elle était là. Surtout en ce moment où leur relation se passait incroyablement bien. Ils riaient beaucoup, flirtaient un peu, bref, Lily découvrait enfin le vrai James Potter.
- Je dois aller à l'enterrement d'une grande-tante éloignée, annonça-t-elle de but en blanc.
- Ça va ?
- Oui oui, ne t'inquiète pas, je l'ai jamais vu de ma vie, c'est juste un truc de famille.
James hocha la tête. Un silence confortable s'installa. Il ne voulait pas faire de gaffes ; il préférait que ça soit elle qui le brise.
- Je... Ça te dirait de venir avec moi à Pré-au-lard la semaine prochaine ?
Boum. Boum. Boum.
Son coeur s'emballa, comme un gamin. Et... Par Merlin, il se mit à rougir. C'était ridicule. RIDICULE. Il ne rougissait pas. Jamais. Oh la la la, non, il sentait ses joues le chauffer, devenir rouge. Merlin.
- Euh, je, pourquoi pas, oui, évidemment, finit-il par bredouiller. Bredouiller !
Elle eut un sourire un peu moqueur et se pencha vers lui. Son parfum le troubla complètement, comme d'habitude.
- Depuis quand tu bredouilles ? demanda-t-elle.
Prendre les choses en main. Prendre les choses en main. Prendre les choses en main. Prendre les choses en main. Prendre les choses en main.
Il se pencha à son tour et seuls quelques centimètres séparaient leur visage. Ils se regardaient droit dans les yeux, le marron contre contre le vert émeraude. Les longs cils de Lily faisaient jouer des ombres sur ses pommettes ; sa bouche cerise esquissait le même sourire moqueur.
- Comme un rendez-vous ? murmura-t-il doucement.
- Comme un rendez-vous.
Elle l'embrassa.
Le premier baiser de toute une éternité.