Il faut que nous nous accordions sur quelque chose avant de commencer cet écrit : Ishak Zéphyr Aït-Malek n’était pas une de ses personnes qui se prend trop au sérieux, et son meilleur ami, Elijah Yaniss Darcy (je donne tous leurs noms pour qu’on ne les confonde avec personne d’autre – quoi que, peut-être est-ce réellement impossible de les confondre avec qui que ça soit d’autre) lui ressemblait beaucoup en ce point-là. Il n’est donc absolument pas étonnant qu’il se soit incrusté ce soir-là à une soirée moldue habillée en fille, accompagné de ce fameux meilleur ami déguisé en lui-même version légèrement plus homosexuelle. Voilà, ce point maintenant établi, allons retrouver nos deux héros, et intéressons-nous plus particulièrement au plus barbu des deux, le Zéphyr.
Gardez ce que vous venez de lire très loin dans votre crâne, et lisez cela maintenant : Zéphyr était allongé dans un lit, avec des longs cheveux bruns recouvrant tout son visage. Pas les siens, puisque Zéphyr n’avait pas les cheveux longs. Collé à lui, il y avait un autre corps, il le sentait respirer dans son dos, fortement, bruyamment. Ses paupières étaient lourdes, refusaient de s’ouvrir, comme s’il souffrait d’un genre de conjonctivite – mais ce n’était bien sûr pas d’une conjonctivite qu’il souffrait. Quand il y parvint enfin, il vit de vieux draps décoré de fleurettes, le bois du lit, qui semblait avoir vécu la guerre de cent ans, et ce lit parfaitement bien posé sur le sol. Normal, me direz-vous, mais pas pour Zéphyr, qui avait eu dans son demi-sommeil l’impression que le lit voletait dans les airs, tournoyant sur lui-même. Il leva ensuite le bras, vérifiant bien qu’aucune brique ne lui appuyait sur le crâne, pour finir par pousser un puissant râle d’énervement : par Merlin, encore la gueule de bois. Et mieux que ça, sa nuit était un trou noir. Et d’où, par Merlin – encore lui – venaient tous ces cheveux ? Y’avait-il une Raiponce brune qui dormait à côté de lui ? Avait-il couché avec une Raiponce brune – sachant qu’il avait un clair penchant pour les rousses, ça paraissait étonnant – sans s’en souvenir ? Il écarta alors les cheveux de son visage, jusqu’à ce qu’il se rende compte de quelque chose d’étonnant : quand il les touchait, il sentait une pression sur la racine de SES cheveux. Comme si cette longue tignasse brune … lui appartenait ! Oh, Merlin, mais qu’avait-il fait hier soir ?
Vous savez quoi ? Je vais vous donner un indice sur ce qu’il avait fait le soir d’avant. Reculons alors dans le temps, voulez-vous ? D’au moins … Allez, seize heures !
***
Il était dix-huit heures et on était le 21 mars 1977. Zéphyr et Elijah montaient quatre à quatre les huit étages qui les séparaient de l’appartement qu’ils voulaient atteindre. Pour changer, ils faisaient la course. Qui arriva le premier ? Zéphyr jurait que c’était lui, tandis qu’Elijah, évidemment, jurait le contraire. Bref, tout essoufflés, il sonnèrent à l’appartement 802. Mary-Ann Fletcher vint ouvrir quelques instants plus tard, et roula des yeux en voyant dans l’encadrement de la porte son fils chéri et le meilleur ami de celui-ci, avant de bien sûr les prendre dans ses bras.
« Les garçons, rappelez-moi votre âge, déjà ? »Ils étaient désespérants, c’est vrai. Dix-neuf ans, supposément matures, en plein dans la vie active, et ils faisaient encore la course dans les escaliers comme s’ils avaient douze ans. Mais c’est comme ça qu’on reste jeune, n’est-ce pas ?
« Pas le temps, maman ! On se prépare juste, tu m’aides à me maquiller, je te laisse quelques affaires, et on repart ! Saha ! Mawhish ! Devinez qui est làààààà ! »Le chien arriva avant les petites sœurs. C’était dingue combien de monde pouvait tenir dans cet « appartement » de trente mètre carrés. Une maman et ses deux filles, un chien, et parfois le fils, accompagné de son acolyte. Il pénétra dans le salon/salle à manger, et déposa deux sacs par terre, le temps de récupérer ses sœurs qui lui sautaient dans les bras. Il les embrassa, et les envoya ensuite dans les bras de « tonton Eli » tandis qu’il allait se préparer dans la salle de bain. Mary-Ann était au courant de ce que son fils venait faire là, et évidemment, elle ne pouvait s’empêcher de rire : le seul moment où son fils avait besoin d’elle, c’était quand il fallait qu’il ressemble à une femme. Il ne pouvait pas se trouver une petite-amie pour cela, il fallait que ce soit sa maman. Jésus (ouais, ça change), qu’est-ce qu’elle ne vivrait pas avec lui, hein ?
Parce que oui, le nœud de l’histoire était bien là : Zéphyr avait rendez-vous à une fête déguisée organisée par des moldus, et il avait décidé de se ramener … en fille. Il avait une autre soirée déguisée de prévue, une semaine plus tard, où là aussi il aurait besoin de sa mère et ses sœurs, mais le costume serait tout autre. Ce soir, il changeait de sexe. C’est pourquoi, il se tenait en sous-vêtements dans la salle de bain (il jouait au pudique à ne pas se changer dans le salon parce qu’il avait une dizaine de tatouages de plus par rapport à la dernière fois que sa mère l’avait vu torse nu, et il ne tenait pas particulièrement à subir une crise de sa part pour le moment), et qu’il sortait d’un sac en tissu une jupe crayon noire, une chemise noire, un soutient gorge en dentelle noire et une paire de lunettes assez sexy. Il dégaina aussi sa baguette, parce qu’il avait besoin d’elle pour deux choses : d’abord, il devait changer la couleur de son boxer. Il le fit rose, et changea aussi sa matière, qui était maintenant plus soyeuse (fort heureusement, il ne changea rien à ce qu’il y avait DANS le boxer). Puis, en quelques nouveaux coups de baguette, il effaça les tatouages. Il enfila ensuite la jupe, le soutien-gorge (il n’avait aucuns seins à soutenir, par contre), et la chemise, qu’il rentra dans son bas, et laissa ouverte de quelques boutons.
Il débarqua ensuite dans le salon, sous les hurlements de rire de ses sœurs – les ingrates – faisant signe à Eli : il pouvait lui aussi aller se changer. A peine Mary-Ann vit son fils débarquer qu’elle poussa un soupir :
« Sans vouloir te vexer, chéri, tu es la pire fille qui ai jamais parcouru cette terre. Sort ton arme en bois, et commence par m’enlever ce que tu as sur les jambes. Et va falloir faire pousser un peu ces cheveux, aussi … »Elle avait l’air désespérée, mais aussi tordue de rire. Zéphyr regarda ses jambes, cherchant à savoir ce qui ne convenait pas. Ah, oui. Il était légèrement plus poilu que la grande moyenne des nanas. Il fallait ce qu’il fallait, alors il sorti à nouveau sa baguette, cherchant un sort pour éliminer ses poils mais … rien ne vint. Comment était-il supposer connaître le moindre sortilège pour s’enlever les poils des jambes, hein ? Pour les cheveux, il avait prévu le coup, il avait une potion pour les faire pousser et les rendre lisses et ondulés. Mais pour ses jambes, il devait s’en remettre à la femme de sa vie :
« Maman, je connais pas de sort pour enlever les poils de mes jambes … » « Elijah a intérêt à en connaître un, parce que c’est ça ou la cire » « Oh nan maman, pas ça, ça c’est de la torture ! Tu dois bien avoir un rasoir quelque part dans cette maison ! » « Hors de question que je te prête mon rasoir pour que tu enlèves … ça … » « Mais maman ! Je suis ton fils, et promis j’ai plus la galle ! » « Zeph, c’est non ! C’est la cire, Eli, ou rien ! »Elijah débarqua dans la pièce à ce moment-là. Là encore, Mahwish et Saha explosèrent de rire. Ils avaient pété les plombs, voilà tout. Zéphyr demanda précipitamment à son meilleur ami s’il connaissait un sort pour se raser les jambes et évidemment … il en avait un.
« Tu sais quoi, je vais même pas te demander comment ça se fait que tu connaisses un sort pareil ! J’ai une potion pour toi, si tu veux. Cheveux blonds ? »Tandis qu’Eli faisait subir à son meilleur ami un rasage intégral – des jambes, juste des jambes – ce-dernier avala sa potion. Ça, pour le coup, ça fonctionna parfaitement bien. Il avait désormais de longs cheveux ondulés, soyeux. Mary-Ann partit chercher sa trousse de maquillage, et vint enfin faire sa part du boulot : fond de teint, blush, eye liner, rouge à lèvres, tout le visage de son fils y passa, à son plus grand amusement, bien sûr.
Bientôt, Zéphyr et Elijah étaient fins prêts. L’Aït-Malek avait laissé toutes ses affaires, et bien que ça lui ait été proposé, Elijah avait gardé les siennes. Il transportait avec lui un échantillon de parfum (enfin un truc comme ça, Zéphyr n’avait pas saisi), et il devait le livrer dès le lendemain quelque part, service ordonné par son père.
Ceci, c’est uniquement ce dont Zéphyr parvint à se souvenir, retirant les cheveux de sa face, le lendemain matin. Passons à la suite, voulez-vous ?
***
Zéphyr était resté allongé cinq minutes le temps de se remémorer tout cela, et de se réveiller convenablement. Les cheveux étaient donc les siens. Et le corps, derrière lui ? Ça devait être son meilleur ami, parce que si ce n’était pas le cas, il était dans la merde. Alors il se retourna, pour vérifier. C’était bien Elijah, fort heureusement. Bon, Zéphyr notait quand même une différence notable par rapport à ses derniers souvenirs : il ne portait pas de jupe ou de chemise, encore moins de soutient gorge. Il avait ses fringues habituelles, mais toujours ses cheveux très longs. Etrange. Vraiment très étrange. Pour ne pas s’ennuyer trop longtemps, il décréta que réveiller son meilleur ami était une bonne idée. Il souffla alors – parce qu’il sentait que s’il parlait normalement, il aller exploser ses propres tympans :
« Eli ? Eli, réveille-toi ! »